»-. C’était six jours avant le départ pour l’Islande. Leur cortège de noce s’en revenait de l’église de Ploubazlanec, pourchassé par un vent furieux, sous un ciel chargé et tout noir. Au bras l’un de l’autre, ils étaient beaux tous deux, marchant comme dans un rêve. Calmes, recueillis, graves, ils avaient l’air de ne rien voir, de dominer la vie, d’être au-dessus de tout. Ils semblaient même être respectés par le vent, tandis que, derrière eux, ce cortège était un joyeux désordre de couples rieurs, que de grandes rafales de vent tourmentaient. Beaucoup de jeunes, desquels aussi la vie débordait, d’autres déjà grisonnants, mais qui souriaient encore en se rappelant le jour de leurs noces, et leurs premières années. Grand-mère Yvonne était là et suivait aussi, très édentée, au bras d’un vieil oncle de Yann qui lui disait des galanteries anciennes. Elle portait une belle coiffe neuve, et toujours son petit châle teint en noir.

Et le vent secouait indistinctement tous ces invités. On voyait des jupes relevées et des 👗 retournées, des chapeaux et des coiffes qui s’envolaient. À la porte de l’église, les mariés s’étaient acheté, suivant la coutume, des 💐 fausses 🌸 pour compléter leurs toilettes de fête. Yann avait attaché les siennes au hasard sur sa large poitrine, quant à Gaud, il y avait de la demoiselle dans la façon dont ces pauvres 🌺 grossières étaient piquées en haut de son corsage, très ajusté, comme autrefois, sur ses formes exquises. Le violoniste qui menait tout ce monde, affolé par le vent, jouait à la diable, ses airs arrivaient aux oreilles par bouffées. Et, dans le bruit de la bourrasque, semblaient une petite musique drôle, plus grêle que les cris d’une mouette. » Pierre Loti Pêcheur d’Islande)
Belle histoire et beau portrait de mariés
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