Des poèmes et des chansons

 »-. La bataille de Salamine, la révolution française, le dialogue de Créon et d’Antigone, les poèmes de Victor Hugo, ce n’était pas mal non plus. Et entre Verlaine, qu’il adorait, et les splendeurs de Baudelaire, il avait du mal à choisir. Quand il allait se promener, le dimanche, sur les bords de la Marne ou dans la vallée de Chevreuse avec tel ou tel de ses camarades de délices et de bagne, ils mêlaient les poèmes des uns et des autres aux chants révolutionnaires, à l’ave Maria qui leur rappelait leur enfance, et aux chansons d’Édith Piaf. -. Quand nous en irons-nous où vous êtes, colombes, Où sont nos enfants morts et les printemps enfuis, Et tous les chers amours dont nous sommes les tombes Et toutes les clartés dont nous sommes les 🌃…-

-. C’est un cri répété par mille sentinelles, Un ordre renvoyé par mille porte-voix, C’est un phare allumé sur mille citadelles, Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois…- Ils ne savaient presque rien de la vie, qu’ils ne connaissaient qu’à travers les livres. L’image de Mathilde s’effaçait chaque jour un peu plus dans l’esprit de Jérôme. L’histoire, une poésie abstraite et vague, le bouillonnement effrayant des idées suffisaient à le griser. Il pensait beaucoup au concours, dont la date approchait. Au-delà de cette formalité qu’il aurait aimé mépriser -mais il n’y parvenait pas -il lui semblait que le monde lui tendait quelques-unes de ses idées. Des évènements, des idées, des rapports entre les êtres et les choses auxquels il n’avait jamais pensé lui semblaient s’organiser peu à peu autour de lui. Quelque chose l’envahissait peu à peu, c’était un sens de l’histoire et du monde. » Jean d’Ormesson (Le bonheur à San Miniato)