Un si grand péché

 »-. Bénissez-moi mon Père, parce que j’ai péché. Il y a de cela bien longtemps, quinze années exactement, c’était au début du printemps 1250… Je m’étais embarqué à Séville en compagnie d’autres marchands, comme moi, sur une nef qui devait descendre le Guadalquivir puis traverser la Méditerranée. Nous faisions route vers Saint-Jean-d’Acre, en Orient… Nous avions tant de richesses, mon Père, tant de richesses que rien ni personne ne pouvait nous atteindre. Mais une fois en haute mer… -. Je vous écoute, mon fils, qu’est-il arrivé ?-. Je ne l’ai pas voulu, vous devez me croire, je le jure devant Dieu…-. Ces mots sont les derniers que prononce le moribond.

L’ermite fait alors plusieurs signes de croix au-dessus de ce corps que la vie vient de quitter, et récite à mi-voix une longue prière. Puis il se décide à ouvrir la sacoche de cuir qui se trouve encore en bandoulière sur le cadavre. Il en sort des vivres déjà secs, un 🔪 et une bourse largement pourvue de pièces d’or, à laquelle il ne porte que peu d’attention. Tout à coup, son regard est attiré par un parchemin marqué d’un sceau daté de 1250 et représentant un navire marchand. -. Quatre sont déjà morts. Tu seras le cinquième. Lorsque le jour s’achèvera, le mal que nous portions en nous coulera dans ton sang. S’il est vain de vouloir sauver ton corps, sans doute peux-tu laver les crimes qui souillent encore ton âme -.  » Voilà un message bien étrange. Ce malheureux savait donc que son trépas était proche. Je me mettrai en route dès demain pour gagner la plaine et signaler aux autorités la mort de cet homme. Sans doute un médecin saura mieux que moi mettre un nom sur le mal qui vient de l’emporter -. » Thierry Maugenest (La poudre des rois)