»-. Il posa son sac de voyage au pied du lit et examina la pièce. Le Sun-Wah garantissait peut-être ses clients contre les risques d’attentats Viêtminh, mais en échange il attendait d’eux qu’ils ne se montrent pas trop exigeants en matière de confort. En fait de lit, Maurice devrait se satisfaire d’un matelas épais comme une gaufre aplatie, posé sur un bat-flanc grossier. Une armoire haute mais étroite, deux fauteuils en bois et une table complétaient le mobilier. Sur la table, trois petites tasses à thé aussi culottées qu’une bonne pipe. Quant aux commodités, elles se résumaient à un minuscule lavabo. Il constata que le robinet ne dispensait guère plus qu’un léger filet malodorant. Il ne tarderait pas à apprendre que, pendant la saison sèche, Cholon ne disposait d’eau que pendant trois à quatre jours par semaine.

La porte s’ouvrit sans qu’on eût frappé, et une jeune femme aussi édentée que souriante pénétra dans la chambre. Elle portait une théière, et sans demander, remplit l’une des trois tasses culottées. Alors qu’il tendait la ✋ pour la saisir, la boyesse projeta le contenu de la tasse sur le sol d’un geste sec. Puis elle la remplit à nouveau et la tendit au Français, interloqué de découvrir cette manière expéditive de faire la vaisselle. Ensuite, avec force gestes et éructations, elle s’efforça de lui faire comprendre que, s’il avait besoin de quoique ce fût, il n’avait qu’à le demander. Et, sans s’être à aucun moment départie de son sourire, elle ressortit… en laissant la porte ouverte. Bientôt, la tension fut trop forte, et il ne put retenir plus longtemps le fou rire qui ne demandait qu’à éclater. » Paul Couturiau (L’inconnue de Saïgon)
Drôle d’hôtel ! Jolie théière
J’aimeAimé par 1 personne