»-. Il avait pris le large, emportĂ© trĂšs vite sur des mers inconnues, beaucoup plus bleues que celles de l’Islande. Le â” qui le conduisait en extrĂȘme Asie avait ordre de se hĂąter, de brĂ»ler les relĂąches. DĂ©jĂ , il avait conscience d’ĂȘtre bien loin, Ă cause de cette vitesse qui Ă©tait incessante, Ă©gale, qui allait toujours, presque sans souci du vent ni de la mer. Ătant gabier, il vivait dans sa mĂąture, perchĂ© comme un đŠ, Ă©vitant ces soldats entassĂ©s sur le pont, cette cohue d’en bas. Une fois, dans sa hune, il fut trĂšs amusĂ© par ses nuĂ©es de petits đŠ, d’espĂšce inconnue, qui vinrent se jeter sur le â” comme des tourbillons de poussiĂšre noire.


Ils se laissaient prendre et caresser, n’en pouvant plus. Tous les gabiers en avaient sur les Ă©paules. Mais bientĂŽt les plus fatiguĂ©s commencĂšrent Ă mourir… Ils mouraient par milliers, sur les vergues, sur les sabords, au âïž terrible de la Mer Rouge. Ils Ă©taient venus de par-delĂ les grands dĂ©serts, poussĂ©s par un vent de tempĂȘte. Par peur de tomber dans cet infini bleu qui Ă©tait partout, ils s’Ă©taient abattus, d’un dernier vol Ă©puisĂ©, sur ce â” qui passait. LĂ -bas, au fond de quelque rĂ©gion lointaine de Lybie, leur race avait pullulĂ© dans des amours exubĂ©rantes. Leur race avait pullulĂ© dans mesure, et il y en avait eu trop.


Alors la mĂšre aveugle, et sans Ăąme, la mĂšre nature, avait chassĂ© d’un souffle cet excĂšs de petits đŠ avec la mĂȘme impassibilitĂ© que s’il se fĂ»t agi d’une gĂ©nĂ©ration d’hommes. Et ils mouraient tous sur les ferrures chaudes du navire. Le pont Ă©tait jonchĂ© de leurs petits corps qui, hier, palpitaient de vie, de chants et d’amour… Petites loques noires, aux plumes mouillĂ©es, les gabiers les ramassaient, Ă©tendant dans leurs â, d’un air de commisĂ©ration, ces fines ailes bleuĂątres. Et les poussaient au grand nĂ©ant de la mer, Ă coups de balai. Ensuite, passĂšrent des sauterelles, et le â” en fut couvert. Puis on navigua encore quelques jours dans ce bleu inaltĂ©rable oĂč on ne voyait plus rien de vivant, si ce n’est des đ, quelquefois, qui volaient au ras de l’eau. » Pierre Loti (PĂȘcheur d’Islande)


Belle histoire et belle sĂ©rie de tableaux pour l’illustrer
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