Ce qu’il faut savoir sur les exotiques objets

 »-. Savoir qu’il n’y a plus un seul masque nègre authentique en Afrique noire. Plus une statue maya au Yucatan, plus un tapa ancien en Océanie, plus une seule pierre précieuse dans les échoppes d’Asie, plus un tapis digne de ce nom en Iran, plus une porcelaine, une peinture rare en Chine. Savoir que les antiquaires locaux fabriquent et vendent des copies plus ou moins bien vieillies, maquillées. Savoir que l’on achète des copies, et s’en contenter.

Savoir qu’il n’est pas besoin d’aller loin pour se procurer l’objet rare que l’on recherche. Celui-ci, qu’il soit de haute Egypte ou pré-colombien, Ming ou Han, du Bénin ou du pays Dogon, de Perse ou de Siam, se trouve au coin de notre rue, chez les antiquaires occidentaux, lesquels organisent le traffic et en assurent le monopole. Ainsi, après avoir pillé les temples extrême-orientaux et dépossédé les peuples de leurs trésors artistiques, religieux, culturels, les antiquaires n’en finissent pas d’inventorier méthodiquement la planète, passant la terre au peigne fin et ramenant encore des merveilles de quelques jungles ou 🗻. Savoir que tout objet ramené des lointaines contrées, même le plus banal, celui que l’on a eu chez l’habitant comme celui que l’on a trouvé en piles dans les échoppes à touristes de Katmandou ou de Nairobi, de Pékin ou d’Islamabad, a justement valeur et importance parce qu’il a été ramené. Une fois sorti de son sac à dos, délivré de son dérisoire emballage, il éclate de mille souvenirs… » Jacques Lanzmann (Marches et rêves)