»-. La première fois qu’elle l’avait aperçu, lui, Yann, c’était au Pardon des Islandais, qui est le 8 décembre, jour de Notre-Dame-de-la-Bonne – Nouvelle, patronne des pêcheurs. Un peu après la procession, les rues sombres encore tendues de draps blancs sur lesquels étaient piqués du lierre et du houx, des feuillages et des 🌺 d’hiver. À ce Pardon, la joie était lourde et un peu sauvage, sous un ciel triste. Joie sans gaité, qui était surtout faite d’insouciance et de défi, de vigueur physique et d’alcool, sur laquelle pesait, moins déguisée qu’ailleurs, l’universelle menace de mourir.

Grand bruit dans Paimpol, sons de cloches et chants des prêtres. Chansons rudes et monotones dans les cabarets, vieux airs à bercer les matelots, vieilles complaintes venues de la mer, venues je ne sais d’où, de la profonde 🌃 des temps. Groupes de marins se donnant le bras, zigzaguant dans les rues, par habitude de rouler et par commencement d’ivresse, jetant aux femmes des regards plus vifs après les longues continences du large. Groupes de filles en coiffes blanches de nonnain, aux belles poitrines serrées et frémissantes, aux beaux yeux remplis des désirs de tout un été. Vieilles 🏡 de granit enfermant ce grouillement de monde, vieux toits racontant leurs luttes de plusieurs siècles contre les embruns, les pluies, contre tout ce que lance la mer. Racontant aussi des histoires chaudes qu’ils ont abritées, des aventures anciennes d’audace et d’amour. Et un sentiment religieux, une impression de passé planant sur tout cela, avec un respect du culte antique, des symboles qui protègent, de la Vierge blanche et immaculée. » Pierre Loti (Pêcheur d’Islande)
Un tableau original
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