Viens chez moi, j’habite chez Le Parrain

 »-. Superbe ciel bleu, pieds sous la neige, nous descendons quelques kilomètres de route avant d’emprunter le sentier qui devrait nous mener à Petralia. C’est là que furent tournées, nous dit-on, quelques scènes du film Le Parrain, car le village de Corleone que nous traverserons par la suite manquait singulièrement de pittoresque. Il en sera de même avec toutes ces petites villes de 🗻 dont nous aurons vite fait le tour. Les vieux devant leur porte, le linge suspendu aux fenêtres, les ruelles étroites et pentues ne forment pas forcément des souvenirs impérissables. Il y a mieux en Grèce, en Espagne, au Sud de l’Italie, en France. Mais alors, qu’est-ce qui nous fait marcher la tête ? Qu’est-ce qui nous tire de l’intérieur ? Si ce n’est l’idée même que la Mafia est ici en tout et derrière tout. Si ce n’est que ces petits vieux rabougris par le temps, ces petits gars à peine éclos mais déjà si fiers et si machos gardent en eux des secrets terribles. Liés les uns aux autres par la loi du silence.

Tandis que nous gravissons, à même la pauvre garrigue, une colline ventrée sur laquelle les habitants de Palerme skient en hiver, nous convenons que nous sommes également atteints, comme tout bon touriste, du syndrome des mafiosi. C’est peut-être vite dit, terriblement injuste, mais que resterait-il du paysage sicilien si on le privait, du jour au lendemain, de la mythologie des Parrains ? Si on cessait de voir New York ou Chicago derrière de simples bourgades comme Corleone ou Prizi ? Si on cessait d’apercevoir Al Capone à travers la 👥 de tel commerçant ou tel berger ? Nul doute que la Sicile en prendrait un sacré coup au moral d’être ainsi à jamais blanchie ? » Jacques Lanzmann (Marches et rêves)