Les hommes bleus du désert

 »-. Sur le sable poussiéreux de l’oued Tagharat, entre les bêlements anarchiques des 🐐 et les coups régulier du pilon dans le mortier, neuf familles d’éleveurs vivent ici toute l’année, au ♥️ de solitudes semées de 🗻 noires et brunes. Un abri de branchages supporte quelques nattes, fragile rempart contre la poussière et le ☀️. Deux gamelles cabossées en alu, un jerrican en plastique de vingt-cinq litres, une théorie de calebasses et de 🥄 en bois d’acacia, voilà pour le mobilier. Les treize 🐐 fournissent l’essentiel des ressources. Les cinq 🐫 de la famille ont passé l’arme à gauche l’an dernier, pour avoir ingurgité un genre de chenilles qui fait gonfler l’estomac jusqu’à la mort. Des gosses aux yeux ourlés de vilaines mouches réclament des boîtes de conserves vides pour en faire des récipients, une vieille se met à danser de joie quand on lui donne deux paquets de pâtes.

Faut-il rappeler qu’ici on se trouve dans la région la plus pauvre du pays le plus pauvre du monde ? Les mauvaises langues racontent que les céréales donnés au gouvernement dans les périodes de crise se retrouvent en vente sur les marchés, au lieu d’être distribuées aux nécessiteux. Ce sont ces mêmes commerçants qui rachètent aux éleveurs leurs troupeaux, bradés lors des grandes sécheresses. Les Touaregs se retrouvent alors sans capital, contraints de jouer les bergers de bêtes qui ne leur appartiennent plus… Quand vient enfin la fraîcheur de la 🌃, les hommes des campements attendent l’air de rien qu’on leur serve une assiette. Tandis que leurs femmes se chargent de la corvée d’eau, surveillent les 🐐 et reviennent à la tombée de la 🌃 pour préparer le mil, ces messieurs… passent la journée vautrés dans l’ombre généreuse d’un acacia, et n’ouvrent l’oeil que pour se mitonner de petits verres de thé. » Christophe Migeon (L’Esprit de voyage)