Célébrer le printemps

 »-. Au long des corridors, les valets avaient allumé des flambeaux, et la forteresse toute entière résonnait du son des vielles, des luths et des flûtiaux. Des enfants se poursuivaient en riant d’une pièce à l’autre, se jetant dans les jambes des serviteurs, agaçant les lévriers et les épagneuls des seigneurs en leur jouant mille tours. Enfin, il écarta la tenture qui masquait l’entrée de la haute salle et demeura figé sur le seuil, n’en croyant pas ses yeux. Il lui semblait être transporté, comme par magie, dans les bois de Brocéliande, la forêt de tous les ensorcellements.

Des guirlandes de fleurs et de lierre dégringolaient en cascade depuis les poutres maîtresses. Une loge de feuillage avait été construite au milieu de la pièce et, pour parfaire l’illusion, les charpentiers du vicomte avaient arrimé de lourdes branches de chêne. Les jonchées qui  recouvraient le dallage n’étaient que mélange d’herbes fraîches, de violettes, de muguets et d’iris. Mais le plus étonnant, c’était la lumière. On ne voyait ni chandelier ni candélabre, tous étaient dissimulés derrière les feuillages, produisant une multitude d’effets chatoyants qui faisaient ressortir  la beauté de la scène et les couleurs éclatantes des habits des convives. » Viviane Moore (Jaune sable)