La toile de Marthe

 »-. Les poignées des baguettes des lisses claquetaient. La navette sifflait en quittant la ✋ droite, frappait la ✋ gauche, sifflait en la quittant, frappant la ✋ droite, sifflait, frappait sur un rythme très noble, très lent, fait de force et de peine, et chaque fois les bras de Marthe s’ouvraient comme des ailes. Ses ✋ s’ouvraient, se fermaient, lançaient, saisissaient, lançaient. Elle avançait et reculait son corps dans la cadence. Elle était pareille à un gros 🐦 qui danse sur place en s’éventant le ventre. La barre de peigne tapait sourdement dans la toile de laine naissante. L’ensemble criait de temps en temps en tournant. Et tous ces bruits se répétaient l’un après l’autre, chacun à leur place, sans jamais manquer, car ils faisaient chacun un travail bien précis, mais lentement, car les deux ✋ de Marthe faisaient tout.

120x80cm  »La toile de Pénélope  »

Il y avait un autre bruit. C’étaient les grands jupons de Marthe qui soufflaient comme de l’écume au milieu de tous ces larges mouvements. La toile, quand on la vit, était à grains énormes mais sans un relâchement. Elle était lourde. Si on en mettait un pan sur ses épaules, on la sentait comme un manteau. Si on la regardait se plier sous les mouvements du bras, on lui voyait des plis simples et beaux sitôt créés, sitôt effacés, sitôt recréés, comme les mouvements mêmes. Des plis que l’on n’avait pas l’habitude de voir dans les étoffes dont on s’était servi jusqu’à présent. Elle était blanche. -. Voilà. Laissez-moi souffler. Tout va bien. Rien n’est mal. Soyez sans inquiétude-. » Jean Giono (Que ma joie demeure)

Une réflexion sur “La toile de Marthe

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