Tire !

 »-. Tire ! Tire maintenant !-. Mike baissa son regard. L’🐘 l’avait remarqué, il se retourna lentement et leva les yeux sur la rive en se balançant sur les quatre piliers de ses pattes. Mike vit ses yeux enfouis dans une masse grisâtre, ses yeux l’avait reconnu. Ils savaient, se rendit-il compte. Les yeux savaient tout de lui, qui il était, ce qu’il était, et ce qu’il était venu faire. Ces yeux avaient déjà vu l’homme, ils comprenaient tout, le fusil, sa présence, son but. -. Tire !-. Non. Laissons-le partir. Je ne peux pas le tuer -. Tu dois. Tu as promis. Regarde… Toute cette viande. De la viande pour deux villages, pour trois villages.-. Je ne peux pas faire ça. Ce n’est pas de la viande, c’est de la vie. Une vie plus importante que nous. Tu ne comprends pas ? Viens-.

-. Tire !-. Mike ne voulait pas tirer. Il voulait courir, il voulait fuir devant la montagne, fuir devant l’incroyable masse vivante de ce géant grotesque. Mais il était le chasseur blanc, il était un homme et un homme n’est pas une bête. Si l’ 🐘 n’avait pas chargé comme ça… Mais l’ 🐘 devait charger, de même que lui devait tirer. C’était là tout le secret. Le secret de la vie. Et aussi le secret de la mort… Mike se détourna vers l’est, Kenyarobi était à l’est, c’est là qu’il allait se rendre. Plus rien ne le retenait désormais dans la forêt. Il n’attendrait même pas le grand festin. Au diable la viande d’éléphant, ses jours de chasse étaient terminés. Derrière lui, dans la dépression, les mouches se posaient sur la carcasse inanimée du dernier 🐘 du globe. » Robert Bloch (Matriarchie)