»-. Croyez-moi, vous n’avez qu’une chose à faire, décidez-le à revenir -. Je préférerais vivre dans une mansarde. Vous figurez-vous que je vais supporter cet affront ? Me voyez-vous disputant Albert à ma cuisinière ?-. Vous possédez, je n’en disconviens pas, une situation très distinguée et presque unique dans le monde des lettres. Quelque chose de tout à fait à part. Vous songez à entrer à la Chambre. Moi, je ne fais pas grand cas des politiciens, mais ce serait sans doute une excellente publicité, et nous réussirions alors à vous procurer une tournée de conférences aux Amériques. Vous avez le culte de l’idéal, et, j’ose le dire, ceux mêmes qui n’ont jamais lu une ligne de vous vous respectent.

Mais, dans votre position, il y a une chose que vous ne pouvez pas vous permettre, c’est de donner prise aux plaisanteries. -. Pour l’amour du ciel, que voulez-vous dire ?- Je ne connais pas Madame Fauvette, et, d’après ce que je sais, c’est une personne fort honorable. Mais un homme ne file pas avec sa cuisinière sans rendre sa femme grotesque. Une danseuse, ou une dame de qualité, ne vous aurait fait aucun tort, mais une cuisinière ! Vous n’y résisteriez pas. Dans une semaine, tout Londres rirait à vos dépens, et rien autant que le ridicule ne tue un auteur ou un homme politique. Il faut que vous rattrapiez votre mari, et sans tarder… Tous, ici, nous sommes vos amis, et vous pouvez compter sur notre discrétion. » Somerset Maugham (Amours singulières)
Drôle d’histoire ! Jolie cuisine
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