»-. Dans la vie, il est des scĂšnes qui restent curieusement gravĂ©es sur le marbre lisse et froid de la la mĂ©moire… En tout cas, ça se passait bien dans les tassalis algĂ©riens, et l’un de nos đ« boitillait. On le dĂ©lesta rapidement de ses bagages, puis on passa aux choses sĂ©rieuses. Quatre chameliers vinrent se placer aux quatre coins cardinaux de la bĂȘte, Moussa sortit son đĄïž. Ce mĂȘme đĄïžqui lui servait Ă peler les đ ou se curer les ongles. Le đ«, qui n’Ă©tait pas un imbĂ©cile, loin s’en faut, lorgnait l’instrument d’un Ćil inquiet, et commença Ă beugler son dĂ©saccord avec la procĂ©dure en cours. Il tenta bien entendu de se relever, mais l’affaire Ă©tait dĂ©jĂ bien verrouillĂ©e. Moussa fit une belle incision d’une quinzaine de centimĂštres au-dessus de l’Ă©paule, la lame tranchait dans le cuir fauve avec une facilitĂ© dĂ©concertante.

C’est juste aprĂšs que les choses se gĂątĂšrent. Sans sourciller davantage, le vieux Moussa engagea d’abord les doigts, puis la â entiĂšre, oui, la â entiĂšre, dans la plaie, et se mit Ă farfouiller avec l’air entendu d’un mĂ©cano fignolant le rĂ©glage d’un carburateur. Pendant ce temps, le đ« recommandait son Ăąme au Dieu des bĂȘtes Ă bosse, hurlant et pleurant toutes les larmes de son corps. La douleur lui faisait rĂ©gurgiter son petit-dĂ©jeuner Ă moitiĂ© avalĂ© -. VoilĂ , le tendon est remis en place, inch’Allah -. Moussa prit un petit sac de plastique, en retira une poignĂ©e des đżdu thĂ© bu Ă midi et les appliqua Ă mĂȘme la blessure. Le đ« se releva en insultant copieusement l’assistance et s’en alla en traĂźnant la patte rejoindre ses camarades. Le lendemain, le bestiau avait de nouveau l’oeil frais, et ne boitait plus. » Christophe Raylat (L’esprit voyage)
Beau portrait d’un chameau đ«
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