L’appel du voyage

 »-. On ne comprend pas toujours ce qui nous fait partir. Ce souffle du large qui nous traverse soudain et nous emmène en grand voyage. On sait encore moins que l’on va, souvent, alors, au bout de ses illusions. J’en veux pour preuve mes débuts de voyageur… 1947. Au lendemain de la guerre, il nous fallait partir coûte que coûte. Oublier la 🌃, le brouillard, les longues traques, les planques. Oublier les hivers froids, les sillons gras, la France tempérée. Oublier une enfance de 🐶, une adolescence de violence. Oublier les martyrs, les camps de la mort, les collabos, les fusillés sur-le-champ. Ne plus rester penchés sur ce trou béant duquel gigotaient, comme têtards, des souvenirs insupportables. Et puis que faire, que dire ? Comment prendre la vie, à bras-le-corps ou au pied levé ? Entrer dans le rang, mais quel rang ?

J’étais là, à me ronger les sangs dans un Paris que j’avais retrouvé après six ans d’absence, tout ébloui de ma soudaine vocation, PEINDRE. Puis très vite, confronté à l’impuissance de faire ressemblant. Ou plutôt à l’impuissance de dépasser le stade du ressemblant, pour arriver, tel Van Gogh, à transcender la réalité. J’étais en pleine ébullition, en plein doute, en grande misère physique et morale. Avec en plus, et déjà, des coups de 🗡️, des trahisons, des amis qui passaient à l’ennemi. Une liaison sentimentale me liait pieds et 👊, ❤️et estomac. Amour déçu, romantisme et maladie de langueur, tout juste vingt ans, des 🌃 et des 🌃 à rôder le long des quais, me tenant long monologue et discours de suicide. » Jacques Lanzmann ( Marches et Rêves)

Le conseil de Jacques. –Et voici qu’un soir, arpentant comme à l’accoutumée les Rives de l’île Saint-Louis, bien décidé à me balancer dans la Seine, je tombe, quai de Bourbon, devant le numéro 16, sur une mappemonde de plâtre fendu en son milieu qu’un propriétaire abandonnait aux éboueurs. C’était ma première mappemonde, ma première approche du monde,ma première idée de la planète. Il me fallait filer, sans tarder, à l’aveuglette…-