La consolation de la philosophie

 »-. Au pensionnat, au moment des adieux, son père lui avait tendu le volume qu’il lisait dans le train. C’était La Consolation de la Philosophie. -. Ce n’est pas de ton âge. Mais, enfin, essaie-. Ce geste avait bouleversé Bénédict. En lui offrant un texte dont il soulignait le caractère difficile, son père ne lui marquait-il pas sa confiance, son estime même ? Il allait s’accrocher à ce livre et au retour ferait à son père la démonstration que la confiance qu’il avait placée en lui était méritée. Que du texte confié comme on transmet un flambeau, il avait fait une étude approfondie, scrupuleuse, digne du grand prédicateur qu’était son père. Le don du livre de Boèce avait tant désemparé Bénédict qu’au moment où son père s’était approché pour lui donner l’accolade, il s’était mis à pleurer.

Le pasteur s’était alors adressé à lui d’une voix forte. -. Regarde-moi bien dans les yeux. Tu n’as pas envie que les autres se moquent de toi, n’est-ce pas ? Alors c’est parfait. Tête haute. Tes émotions n’intéressent personne. Sache-le. Si tu as la nostalgie de la 🏡, garde-la pour toi-. Pour finir, son père était parti sans l’embrasser. Il avait été d’une naïveté confondante avec son père, il le savait. Pire encore, à chacune des injustices qu’il subissait, il trouvait une justification dont il était, lui, Bénédict, seul coupable. Douze années après la mort de son père, il continuait de ressentir pour son père un amour tendre. » Metin Arditi (Carnaval noir)