»-. Autant que Thérèse ait souffert à cette époque, ce fut au lendemain de ses couches qu’elle commença vraiment de ne plus supporter la vie. -. Cette enfant n’a rien de moi, voyez cette peau brune, ces yeux de jais, regardez mes photos, j’étais une petite fille blafarde -. Elle ne voulait pas que Marie lui ressemblât. Avec cette chair détachée de la sienne, elle désirait ne plus rien posséder en commun. Le bruit commençait de courir que l’instinct maternel ne l’étouffait pas. Mais on assurait qu’elle aimait sa fille, à sa manière. -. Bien sûr, il ne faut pas lui demander de surveiller son bain, ou de changer ses couches. Ce n’est pas dans ses cordes. Mais je l’ai vue demeurer des soirées entières, assise près du berceau, se retenant de fumer pour regarder la petite dormir. D’ailleurs, nous avons une bonne très sérieuse, et puis, Anne est là. Ah je vous jure que ce sera une fameuse petite maman-.

Toujours, un berceau attire les femmes, mais Anne, plus qu’aucune autre, maniait l’enfant avec une profonde joie. Pour pénétrer plus librement chez la petite, elle avait fait la paix avec Thérèse, sans que rien subsistât de leur tendresse ancienne, hors des gestes, des appellations familières. Anne redoutait surtout la jalousie maternelle de Thérèse. -. La petite me connait mieux que sa mère. Dès qu’elle me voit, elle rit. L’autre jour, je l’avais dans mes bras, elle s’est mise à hurler, lorsque Thérèse a voulu la prendre. Elle me préfère, au point que j’en suis parfois gênée…-. Anne avait tort d’être gênée. Thérèse, à ce moment de sa vie, se sentait détachée de sa fille, comme de tout le reste. Elle apercevait les êtres, et les choses et son propre corps et son esprit même, ainsi qu’un mirage, une vapeur suspendue en dehors d’elle. » François Mauriac (Thérèse Desqueyroux)
Une triste histoire. Joli tableau 🖼
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Belles toiles.
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