Le sacre du printemps… entre hiver et été

 »-. Igor Stravinsky a sacré le Printemps. La jeune peinture française témoignait déjà avant lui de la décomposition des vieux rythmes, et voyait naître du chaos de troubles harmonies, des rapports à la fois touchants et incertains, des lignes, des sons, des formes qui se cherchaient à tâtons. Comme elle commençait à peine à soupçonner la puissance de l’édifice élevé par Cézanne, comme elle n’éprouvait encore qu’incomplètement l’influence de la transposition lyrique imaginée par Renoir, elle manifestait une liberté d’intelligence et d’impressions singulière. On eût dit qu’elle se substituait ainsi à l’impressionnisme raisonné, une sorte d’impressionnisme de la sensation globale transposée avec innocence.

Encore insuffisamment armée pour la tâche, elle revenait de la sorte à la tradition de la plus grande peinture, par le chemin des écoliers. En continuant, même alors que Cézanne et Renoir achevaient leur tâche, l’effort impressionniste de recherche dans la liberté de la sensation, elle restaurait les droits de l’imagination. Et préparait les esprits à recevoir, avec une impartialité ardente, l’apport imprévu des écoles et des époques qui n’avaient rien à voir avec la tradition européenne. Et brisaient ainsi les dernières résistances de l’académisme Gréco -latin. Chez tous les décorateurs passionnés et confus de ce temps de passion confuse, Vuillard, Bonnard, Valtat, Roussel, d’Espagnat, Albert André, on assistait, vers la fin du dix-neuvième siècle, à quelque chose qui rappelle une floraison très brève entre un hiver et un été, un être sortant du sommeil. » Elie Faure (Histoire de l’art)