»-. Madame Tatsue Matsubara s’Ă©tait mariĂ©e parce que son pĂšre et le vieux baron Matsubara, tous deux personnages influents des consortiums japonais, en avaient dĂ©cidĂ© ainsi. On ne lui avait pas demandĂ© son avis, il faut dire qu’elle ne s’y attendait pas. L’amour ne jouait aucun rĂŽle dans la conclusion d’un mariage japonais. Quand un jeune Ă©poux voulait se distraire, il allait contempler la đ au-dessus d’ Enoshima. On ne se mariait pas pour s’amuser, de toute façon, pendant les lunaisons, il y avait les geishas. On se mariait pour avoir des fils obĂ©issants aussi aveuglĂ©ment Ă leur pĂšre qu’Akiro Matsubara avait dĂ©fĂ©rĂ© dans sa jeunesse aux ordres de son subtil et aimable gĂ©niteur. Mais une femme ne mettant au monde que des filles Ă©tait une Ă©pouse ne remplissant pas son devoir. MĂȘme lorsque, comme Madame Tatsue, elle Ă©tait issue d’une grande famille, connaissait parfaitement l’art dĂ©licat d’arranger les đž et les minuties de la cĂ©rĂ©monie du thĂ©.

Plus le lieutenant Matsubara Ă©tait déçu par sa femme, plus Madame Tatsue Ă©tait craintive. Ce mois de septembre, elle Ă©tait presque suffoquĂ©e d’angoisse, le mĂ©decin lui avait appris qu’elle ne pourrait plus avoir d’enfants. Et maintenant, elle Ă©tait lĂ , avec deux ravissantes fillettes que leur pĂšre ignorait Ă peu prĂšs complĂštement, et sa poitrine plate Ă©crasĂ©e par le poids de l’anxiĂ©tĂ©. Akiro Matsubara avait quittĂ© Tokyo sans le moindre adieu Ă sa femme, pour se rendre Ă Enoshima, oĂč il voulait admirer la đ. C’Ă©tait la premiĂšre fois, en sept ans de mariage, qu’il avait exprimĂ© aussi ouvertement son dĂ©dain pour son Ă©pouse. Akiro et elle avaient jusqu’ici toujours contemplĂ© la đ ensemble au-dessus d’Enoshima, et s’Ă©taient, ce faisant, ennuyĂ©s avec dĂ©corum. C’est-Ă -dire qu’Akiro s’Ă©tait ennuyĂ©, et que sa femme n’avait pas osĂ© lui adressĂ© la parole… » Alice Ekert-Rotholz (Le temple du dragon)