Dans un jardin japonais

 »-. Du jardin de l’hôtel, Akiro Matsubara passa dans le parc national Fuji-Hakone, où se trouve le fameux lac Hakone, celui qui s’était mis à bouillir lors du grand tremblement de terre en 1923. Très droit, plein d’arrogance, Akiro se dirigeait dans l’air pur de février vers les cascades, les lacs et les étangs poissonneux qu’il avait aimés dans sa jeunesse. Autour d’un étang miniature, étendue dans un transatlantique et enveloppée d’une couverture blanche, on apercevait une jeune personne vêtue d’une veste vert lumière. Ses longues boucles blondes tombaient en désordre sur son beau visage, lui donnant un air vague de délicieux abandon. De ses yeux mi-clos, elle vit approcher un Japonais de grande taille et d’allure élégante. Elle plissa son front ingénu.

Le Japonais s’avançait vers le mystérieux petit lac comme s’il le connaissait bien. D’un mouvement plein de grâce et de souplesse, il s’accroupit non loin de la jeune beauté en veste verte. Quelque chose dans ses gestes, à la fois strictement disciplinés et très naturels, rappela à la jeune femme du transatlantique des souvenirs relégués au plus profond de sa mémoire. Sous ses paupières baissées, Vivica revit une pièce à Shanghai, conçue pour l’art de bien vivre et la torture de l’esprit. Un grand Japonais en kimono de couleur sombre demandait d’un ton poli et légèrement railleur à sa prisonnière ce qu’elle désirait… À plein gosier, comme s’il ne voyait pas les barreaux de sa cage, le rossignol chante… Une petite brise emporta son dessin et le déposa aux pieds du Japonais. -. Votre dessin, Mademoiselle. Puis-je avoir l’honneur de vous le rendre ?-. Major ! Ne nous sommes-nous pas déjà rencontrés, à Shanghai ?-. Vous me prenez pour quelqu’un d’autre, Mademoiselle. Shanghai… J’ai été à Shanghai, une fois, dans ma jeunesse. Vous n’étiez certainement pas encore de ce monde, Mademoiselle-. Nierez-vous la vérité, Monsieur ?-. Préféreriez-vous que je reconnaisse un mensonge, Mademoiselle ?- »Alice Ekert-Rotholz (Le temple du dragon)