Sauvons les meilleurs !

 »-. S’il est vrai que les Indiens sont nos frères en Jésus-Christ, doués d’une âme raisonnable comme nous, et capables de civilisation, en revanche il est bien vrai que les habitants des contrées africaines sont beaucoup plus proches de l’animal. Ces habitants sont noirs, très frustres, ils ignorent toute forme d’art et d’écriture, ils n’ont construit que quelques huttes…. Aristote dirait que, comme le veut la nature de l’esclave, ils sont des êtres totalement privés de la partie délibératrice de leur esprit, autrement dit de l’intelligence véritable. En effet, toute leur activité est physique, c’est certain, et depuis l’époque de Rome ils ont été soumis et domestiqués -. Des Africains ont déjà fait la traversée ?-. Oui, Eminence, depuis les premiers temps de la Conquête-. Ils s’adaptent vite au climat, j’imagine ?-. Ils sont même assez résistants. Leurs rois eux-mêmes les vendent.

L’esclavage est une institution ancienne et salutaire, qui répond aux classifications de la nature et qui permet la préservation de la vie. Cela s’est maintes fois remarqué dans l’histoire. Leur immense apport, constamment renouvelé, permet la sauvegarde de l’espèce humaine de catégorie supérieure, la seule qui compte aux yeux du Créateur -. Tous, sauf le dominicain, approuvent de la tête. Le phénomène naturel que vient d’évoquer le philosophe est bien connu. Il est ici indiscutable. Sauvons les meilleurs. -. J’affirme que les Africains sont des hommes comme les autres ! Nous nous sommes trompés sur eux, depuis des siècles. Ils sont des fils d’Adam. Ce serait une erreur grave, un péché mortel de…-. Non, non, nous n’allons pas recommencer. Allons, nous préparerons un codicille…- » Jean-Claude Carrière (La controverse de Valladolid)