Aimer Irène

 »-. En fait, on pourrait consacrer un essai à votre absurde histoire d’amour, qui s’intitulerait La Bécasse et l’harmonie-. Je détestais qu’il emploie des mots de ce genre à propos d’Irène, cela me blessait, mais je je réagis pas. -. La différence entre une oeuvre d’art et une personne, c’est que cette dernière parle, agit, et éventuellement, trahit. L’oeuvre d’art porte en elle une harmonie qui nous capture, nous émeut, nous transporte dans une autre réalité, mais nous ne couchons pas avec Mona Lisa ni avec la Zephora de Botticelli ! Seuls nos regards vivent quelques instants avec elles, et tout s’arrête là. Vous, vous avez voulu ce que vos yeux donnaient à voir. Le visage d’Irène, le corps d’Irène correspondent à l’intérieur d’Irène, qui, forcément, vous était caché. Et, malgré ce que vous y découvriez, vous vous êtes obstiné, voulant absolument qu’à une harmonie extérieure qui vous ravissait une semblable harmonie intérieure parachève votre utopie –.

À l’instant où je vous parle, cette femme est toute entière dans ma peau. Ses cuisses, son corps, son parfum occupent l’espace de mes rêves. Et c’est elle, cette bécasse comme vous dites, capable effectivement d’annoncer La Chartreuse de Parme comme une marque de liqueur, qui me manque terriblement. Dites-vous bien qu’elle fait l’amour divinement, qu’elle est intuitive, devine, imagine, pressent. Qu’elle sait, sans les avoir jamais appris, une infinité de gestes et vous apporte sur un plateau tout ce que votre sensualité réclamait depuis vos premiers émois… Ajoutez à cela que je me sens frustré d’une histoire en devenir que j’ai laissée mourir, coupable encore de ne pas lui avoir dit les mots d’amour, l’exaltation que je rêvais… Moi, aimer Irène ?- » Yves Simon (Le prochain amour)