Intelligence artificielle

Il s’était commandé un panier de dim-dum. La bouffe exotique, c’est encore ce qu’il avait trouvé de mieux contre le stress. À défaut de pouvoir faire sa propre cuisine, ça le changeait des insipides plateaux de Mac. Il n’était pas loin de regretter que les logements -cocon n’offrissent pas d’équipements convenables pour la conservation et la cuisson des aliments. Au lieu de ces mixtures à base de soja et d’arômes chimiques, il se serait fait livrer de beaux légumes frais, avec de la 🐔 véritable, qu’il aurait mijotés avec amour tandis que le cocon se serait rempli d’odeurs imprévisibles. Parfois, cela aurait été sublime, parfois immangeable, dans les deux cas préférable aux préparations sans surprise de Mac.

Les dim-sum tardaient. Machinalement, il grimpa sur le home-trainer. Sans cette invention, dérivé haute technologie des cages tournantes d’écureuil, il serait devenu fou. Il passait des heures à y brûler l’énergie que les murs étriqués de son cocon ne parvenaient à dissiper. Il suffisait de télécharger un programme et de sauter sur le tapis roulant. Le choix était immense. Comme si la planète entière avait été numérisée en vue de ces parcours virtuels. Après avoir choisi son terrain d’évolution, selon sa forme ou son ambition, la butte Montmartre ou le centre de Vienne, la route de la soie ou le sentier de grande randonnée numéro dix des Pyrénées, il indiquait les coordonnées de son point de départ. Le site correspondant apparaissait alors sur les murs écrans.

À mesure qu’il avançait sur le tapis, le panorama défilait à la cadence de ses pas, dans la direction pointée par son regard, créant l’illusion d’une promenade réelle. Quand une côte se présentait, le tapis s’inclinait de l’angle correspondant, donnant la sensation de gravir une pente véritable… La sonnerie du sas retentit. Pas trop tôt ! Ces dim-sum commençaient à se faire désirer. Engorgement des convoyeurs au centre de routage, cela arrivait souvent pour les commandes un peu speciales. Pizzas et burgers étaient livrés dans le quart d’heure, mais là, il avait poireauté plus que de raison… » Jean-Michel Truong (Le successeur de pierres)