Mariage à la japonaise

 »-. Dès que le baron Matsubara eût été mis au courant, il partit pour Mianoshita arracher sa fille aux griffes des forces d’occupation. Avec le talent japonais pour la résignation et un optimisme de parade, le baron s’était réconcilié avec bon nombre de choses en peu de mois. Mais que sa misérable fille, le portrait de sa mère, la noble et infortunée Tatsue, la boiterie exceptée, eût désiré devenir le jouet d’un officier américain, cela, par tous les dieux déchus de Shintô, c’était trop ! Dorénavant, le capitaine Donnelly ne se frotterait plus aux filles de l’aristocratie japonaise ! Le baron ne savait pas, bien sûr, que Sadako se faisait appeler Miss Matsu, de sorte que Bob Donnelly ignorait totalement qui était en réalité l’aimable père de sa petite Miss Nippon.

Presque toutes les relations entre les Japonais et les membres d’occupation étaient entachées de malentendus. Cela commençait à l’ambiguïté de la langue et des gestes japonais. Dans le cas présent, le malentendu était encore plus vaste. Car Sadako était loin d’être aussi bête que sa timide mère. Elle avait, sans rien laissé paraître, fort bien mené sa petite affaire avec Captain Bob, au point où elle la voulait. Elle et le capitaine Donnelly s’étaient hâtés de retourner à Tokyo et s’y étaient mariés. Les papiers et autorisations nécessaires avaient été obtenus depuis longtemps. Lorsque le baron arriva, on lui remit un message de son cousin Kenzo, lequel lui apprenait avec mille ménagements que – Fille Cadette était partie en avion pour San Francisco avec son mari américain, sans adieu ou cérémonie de mariage-. Sadako avait le talent de préparer ses plans avec autant de subtilité et d’efficacité que son honorable père. » Alice Ekert-Rotholz ( Le temps du dragon)