La guerre, racontée par mon cousin

 »-. Quelle guerre ? J’ai mon cousin sur le front, il m’a écrit, il n’a jamais tant joué aux cartes de sa vie. Avec les colis de sa femme et les gens du village qui lui apportent des provisions, il a pris quatre kilos dans le mois. Et c’est pour tous pareil. Ils sont plus tranquilles là-bas que nous ici. Si j’avais su, j’y allais aussi, cela m’aurait épargné d’avoir à ranger les mille deux cents bouteilles qui sont à la cave et que je dois monter avant demain-. Le malheur, c’est que ça ne durera pas-. Ça c’est bien vrai, et vous savez pourquoi ? Tous les renseignements concordent, dans moins d’un mois, les Allemands signent la paix. À genoux-. C’est ton cousin qui te l’a dit ?-. Lui et d’autres. Et vous savez pourquoi ils la signent ?-. Parce qu’ils ont peur de ton cousin. Il grossit tellement vite que ça les impressionne…–

Ils n’attaquent pas parce qu’ils n’ont pas d’essence. Ils ont les tanks, les voitures, les camions, tout parfait, mais ils n’ont rien à mettre dans les moteurs -. Et nous, on en a, de l’essence ?-. On en a. Mais il y a une chose que peu de gens savent, on a plein d’essence, des cuves partout, seulement notre point faible, ce sont les munitions-. Eh bien nous voilà propres, c’est toujours ton cousin qui a raconté ça ?- Pas que lui… Heureusement que les Allemands ne le savent pas, parce que tu imagines le carnage ? Ils nous bondissent dessus et nous, avec quoi on se défend ? Avec des pierres ? -. On pourrait faire un échange, on leur donne l’essence, ils nous passent les obus-. Ne vous moquez pas, c’est une guerre qui peut mal finir-. Tu en connais toi, qui finissent bien ? Alors, ressers-nous, on a la gorge sèche à écouter tes histoires de catastrophes -. » Patrick Cauvin (Rue des Bons-Enfants)