Portrait d’un affreux

 »-. Ce pacte, Gerbet l’avait rompu, il avait eu le mauvais goût de porter les 👁️‍🗨️ sur l’épouse du plus gros négociant sur la place. On lui avait passé sa corruption, ses détournements, ses trafics en tout genre et même son goût pour les fillettes impubères. On ne toléra pas ce manque aux convenances. Une cabale s’organisa, avec la complicité active du personnel autochtone du consulat, trop heureux de se débarrasser d’un supérieur qui avait commis l’erreur de monopoliser les pots de vin sur les fournitures du consulat, attributs immémoriaux, comme chacun sait, de leur office. Un couplet assassin parut dans les journaux de la métropole.

On ne lui offrit même pas l’ultime perche d’une affectation à Canton, dans la carrière, Canton était à Shanghai ce que Scylla était à Charybde, le terminus de tous les naufrages. La République, comme ces ménagères qui ne jettent rien, y entassait déchets, Rogations et rossignols que tout esprit sensé aurait expédiés sans état d’âme à la décharge. Mais Canton, ultime dépotoir des sanies de la fonction publique, fut jugé trop salubre encore pour Gerbet, on le révoqua. Le microclimat dont il avait jusqu’alors bénéficié se détériora rapidement. La bonne société qui, la veille encore, lui faisait fête, lui ferma ses portes. Prenant prétexte des frasques qu’elle avait stoïquement supportées tant qu’on l’appelait Madame la Consule, son épouse rejoignit la métropole. Il fallut trouver un gîte que la République n’assurait plus. Ce fut dans la ville chinoise, la concession française se révélant d’un coup hors de prix. » Jean-Michel Truong (Le successeur de pierres)