La chambre d’enfants

 »-. Emportée par l’atmosphère juvénile propice aux confidences, Agnès se rappela soudain le rêve qui l’avait réveillée la 🌃 précédente. Un rêve étrange, doux au premier abord, mais très douloureux en vérité. Au détour du rêve précédent, venu se fondre dans celui-ci, elle s’était retrouvée dans un appartement familier. Dans la réalité, elle n’y avait jamais vécu. Mais, dans son rêve, elle se souvenait d’y avoir habité lorsque ses enfants étaient petits. L’appartement était vide mais, curieusement, personne n’avait décroché les voilages. S’infiltrant par une fenêtre mal fermée, un courant d’air les agitait. Leur mouvement donnait l’illusion que l’appartement était encore vivant. On avait laissé des jouets dans les chambres qu’occupaient ses enfants autrefois. Des jouets de petits enfants comme si, à l’heure de déménager, leurs possesseurs s’étaient jugés trop âgés pour les emporter. Le passé envolé, arraché peut-être par le filet d’air, se concentrait dans ces jouets, cubes, poupées, petites voitures, cheval multicolore à roulettes. Les enfants avaient à jamais disparus. Abandonnant leurs jouets comme la mue d’une autre époque.

Bouleversée, Agnès avait d’abord ressenti un intense bonheur. Elle avait cru un instant que les enfants s’étaient cachés. Ils allaient surgir d’une minute à l’autre, briser le silence, faire voler la poussière dansant dans la lumière, abolir d’un coup le passage du temps. Son 💗 avait battu plus fort, elle allait revoir ses enfants tels qu’ils étaient autrefois. À  ce moment, la force de la logique l’avait emporté sur la douceur du rêve. Cette résurrection était impossible. L’amertume l’avait réveillée. – . Un rêve bien pénible, mais compréhensible. Vos enfants vous manquent. Elisabeth est morte. Elle ne reviendra jamais. Vous vivez au milieu des jouets de vos petits-enfants. Tout s’arrangera quand vous rentrerez chez vous…- Isabelle Hausser (La Table des enfants)