Gribouillis

 »-. Ma vie, ce n’est pas une histoire. Pas une histoire inventée. On pourrait balancer mes carnets, ceux que je griffonne depuis plus de cinquante ans, chaque jour, sur un bouquin, dans l’ordre ou le désordre en années, mais ce ne serait peut-être pas très intéressant. Les gens se lasseraient de lire mes comptes de sacs de patates, de sacs de poireaux ou de 🥕. Et la météo qui, quand je l’écris, est passée de mode, pour eux mais pas pour moi, car je sais, par mes notes, que la météo revient par cycles. Les gens n’aimeraient pas ma façon de noter, car il manque des mots, j’ai mon genre d’alphabet, un code pour m’y retrouver, si tu préfères. Et puis, la mauvaise météo, qui ça intéresse ? On veut l’oublier, moi, je la préfère à une météo trop douce. Car le mauvais temps est bon pour la terre.

Mes notes, mes gribouillis ou plutôt mes coups de griffes sont des amers dans mes carnets, des repères qui ont un sens, pour que je m’y retrouve, mais… sans avoir envie toujours de m’y retrouver. Viens, je te montre. Là, vois-tu, j’écris d’une manière qui ressemble à un plan de mon clos, c’est un petit champ fermé par des murets de pierres sèches. Ici, sur le haut, à l’est de la feuille, j’ai écrit quelque chose, c’est pour me souvenir qu’en haut, à droite de mon jardin, j’ai semé du persil. Les quatre coins de la page sont remplis avec des semences et leurs avancées. Et ensuite, je gribouille au milieu de la feuille quelques mots sur les gens que j’ai vus dans la journée, il faut bien leur réserver un peu de place… J’aime bien savoir que tel jour, telle année, il y a eu une tempête, avec tel sens de vent et force et que, dix ans plus tard, elle est retombée au même endroit, au même moment, si je veux bien m’exprimer. » Paul Bedel (Nos 🐮 sont jolies parce qu’elles mangent des 🌼🌸💐)