Fleurir la tombe d’Élisabeth

 »-. Sur la tombe d’Élisabeth, elle trouva de nouveau un bouquet de feuillages liés par un 🎀 de laine bleue. Deux brindilles de sapin, trois branches de houx, quelques brins de bruyère, un 💐 presque hugolien. Sa présence enervait Agnès. Elle aurait préféré trouver une gerbe de 💮🌺, une botte de 🌷, un pot d’azalées, de ces fleurs convenables qu’on offre aux morts et aux vivants après les avoir fait envelopper de cellophane par un fleuriste. Ces bouquets insignifiants et anonymes semblaient avoir été cueillis à la sauvette dans une des haies voisines, et noués à la va-vite avec des bouts de ficelle ou de laine trainant au fond d’une poche ou d’un sac. Agnès s’agaçait aussi de les trouver particulièrement émouvants.

D’où venaient-ils ? Une petite fille au goût sûr aurait pu les composer, certainement pas un adulte habitué des fleuristes. Plusieurs jours passaient souvent sans que l’on renouvelle le 💐. La pluie le flétrissait. Soudain, un nouveau le remplaçait, frais et troublant. Agnès avait plusieurs fois modifié ses heures de visite, mais elle n’avait jamais surpris le donateur. Elle avait aussi interrogé le gardien, il n’avait jamais vu personne déposer les 💐. Ces offrandes apportées par une ✋ 👻 s’accordaient à la marche des saisons. À l’approche du printemps, leurs couleurs tendres se fondaient dans la lumière renaissante. Ce matin-là, le 💐 venait à peine d’être coupé. Les 🌺 roses de la bruyère couronnaient le feuillage selon un agencement inhabituel et impertinent. Une intuition lui soufflait que ces 💐 étaient apportés par le musicien qu’Elizabeth avait aimé, et qu’il s’en était fallu de peu qu’elle le surprenne. » Isabelle Hausser (La Table des enfants)