Amusez-vous bien, les enfants !

 »-. On l’oublie aujourd’hui, l’Union soviétique a longtemps été un refuge pour les enfants. En ce temps-là, sauf s’ils naissaient infirmes, personne ne songeait à les abandonner. En ce temps-là, on ne voyait pas de gamins livrés à eux-mêmes dans la rue, défoncés ou prostitués. Ils recevaient une éducation austère, à l’abri des remous du monde. Seuls les jeunes Moscovites aux abords des immeubles réservés aux étrangers se doutaient qu’on les berçait d’illusions. L’après-midi, lorsqu’ils jouaient au bas de leurs habitations, sous la surveillance des babouchkas emmitouflées dans leurs châles de laine marron, ils voyaient souvent, telles des nuées d’ 🐦 multicolores et bruyants, des bandes d’enfants étrangers s’abattre sur leur territoire.

Ces grappes de maraudeurs, dont les combinaisons, rutilantes sur la neige n’entravaient pas les mouvements, se comportaient de manière souveraine. Ils n’accordaient pas un regard aux petits Soviétiques, engoncés dans leurs vilains manteaux à carreaux, où s’engouffraient le froid et l’humidité, médusés devant cette intrusion étrangère. Rien n’aurait arrêté ces enfants venus de l’autre côté du rideau de fer. Pour eux plus encore que pour les petits Soviétiques, l’Union soviétique était un paradis terrestre. La plupart venaient de villes dangereuses où les enfants risquaient leur peau s’ils s’aventuraient seuls dans les rues. Les voitures ne respectaient rien, ni les 🔥 ni les passages pour piétons. Des pervers, obsédés par l’envie de distribuer des 🍬 empoisonnés, les attendaient à la sortie des écoles. Des kidnappeurs d’enfants commettaient sur eux d’indicibles horreurs. Que risquaient-ils en effet ? Les cours où ils jouaient étaient clôturées de hauts murs, ils avaient élus nounous de leur ❤️ les miliciens dans leur guérite… » Isabelle Hausser (La Table des enfants)