L’enchantement du monde

 »-. Le monde qu’elle avait découvert en s’éveillant du sommeil de la petite enfance avait imprégné de ses sons, de ses couleurs et de ses odeurs son paysage intérieur. Il en avait bousculé les contours, redessiné les perspectives, faussé les repères en y superposant les siens. À cet âge irretrouvable, celui de l’enchantement du monde, elle avait cru que la vie de ses parents suivrait le cours de eaux de l’hémisphère sud. Elle n’avait pas admis que, après avoir franchi la ligne blanche de l’équateur, lorsqu’ils avaient regagné la France, ils aient épousé le mouvement des eaux dans l’hémisphère nord. Que, négligemment, ils aient renversé les repères de son enfance, la privant de ses certitudes.

En ces temps-là, ceux du commencement du monde, Agnès croyait encore à la magie et aux miracles. L’enchantement était à portée de ✋, comme ce matin où un ☁️ de 🦋 blancs avait recouvert le jardin de ses parents. Ils avaient surgi de l’horizon et, comme un voile d’ouate, masqué le ciel. Ils avaient voleté autour d’elle, flocons vaporeux, saupoudrant ses cheveux d’une lueur diaphane. Le temps d’une danse aérienne entre les flamboyants et les frangipaniers, ils s’étaient évaporés. Le bleu du ciel les avaient absorbés. Aussi guettait-elle de nouveaux sortileges emportés par le courant du fleuve en contemplant les jacinthes d’eau durant la promenade dominicale. En ce temps-là, bien que la 🌃 elle craignit que voleurs et 🐍ne se glissent dans ses rêves, elle ne se souciait pas de ses peurs… » Isabelle Hausser (La Table des enfants)