L’ensorceleuse

 »-. Ainsi va leur groupe, au rythme des corps. Le souffle monte, visible comme une brume de rien. La trace de vie. Un jour nouveau, de l’un d’autres l’un d’eux, banal. Pendant ce temps, à la ferme, Maria vaque. Elle est bien au milieu de ses ustensiles et de sa basse-cour, qui l’oblige à un travail soutenu. Mais à quoi pense-t-elle, ça personne n’a jamais su… Elle paraît se satisfaire de ce qu’elle a. Elle règne sur les deux hommes sans en avoir l’air. Ils ne discutent guère… C’est bien comme ça qu’elles font toujours, on l’a assez dit, toutes ces histoires qu’on raconte, qui se passent depuis des siècles. Des ensorcelleuses, installées sans bruit, des femmes d’apparence à qui on donnerait le bon Dieu sans confession… Et ça peut durer, il y en a même qui ont tenu jusqu’à l’apparence de leur mort. Et là ! Une affaire bizarre, c’est comme ça qu’on l’apprenant…

Maria, c’est du même. Présente, attentive, exemplaire. Mais aussi, comme sans y attacher de l’importance, elle les a envoûtés. Sûr qu’elle n’a qu’à penser, pour que Johannes fasse ce qu’elle désire, sortir, aller aux champs, ou se réfugier à l’écurie. Pour Joseph, ce n’est pas pareil, elle serait plus coulante. Peut-être parce qu’il est plus secret, comme elle, l’air naturel, mais puissant en profondeur. Et puis lui aussi est arrivé comme ça… Maria, dans la ferme, et les autres dans les bois. Il y en a pour la matinée à fendre, à abattre, à entrancher, à ahaner… Il faut finir tout ça avant les grands froids. Rien de mieux qu’un temps de gel, pour sécher le bois. Alors, au printemps, il est bon à la vente. » René de Maximy (La Ferme des Neuf Chemins)