Lamentations

 »-. Hanno avait composé un programme insolite. Les Lamentations étaient suivies de deux cantates de Bach. Dès le premier mouvement de la symphonie, une porte s’entrebailla. Dans la salle, ou dans une antichambre secrète du 🖤 d’Agnès. Elle sentit la présence d’Élisabeth. À côté d’elle. En elle. Un bruissement léger, une certitude impalpable. Hanno dirigea l’andante d’une manière bouleversante. La mort d’Élisabeth avait rendu sa dimension religieuse, presque sacrée, à la partition. Il détachait son angoisse et son désespoir dans les lamentations des bois dominant le chant ornementé de l’orchestre. Elles sonnaient comme la 🎶du destin, inébranlable, invincible. La grande silhouette noire du chef exécutait une danse macabre, son dernier adieu à la femme qu’il avait aimée.

Dans cette interprétation funèbre et dramatique, passait la force de sa conviction. Longtemps, très longtemps avant sa mort, Elisabeth avait orchestré dans les moindres détails son départ de la terre. Pourtant, le musicien avait transcendé la douleur de l’homme. Contrairement à Agnès, il n’avait pas senti le furtif passage d’Élisabeth, ce léger courant d’air envolé aux dernières 🎵 des Lamentations. Il n’aurait pas sinon dirigé avec autant d’abandon la cantate -. Jésus, toi qui as par ta mort arraché de toutes tes forces mon âme au sombre enfer du 😈 et aux profonds abîmes de détresse…-. Sous sa baguette, la 🎶🎶 résonnait d’amour, de confiance. Apaisé après les Lamentations, le public se laissa porter par l’allégresse. » Isabelle Hausser (La Table des enfants)