Intelligentsia

 »-. Ce qui m’a toujours paru funeste, pour la culture russe, ce n’est pas tant la coupure entre l’intelligentsia et le peuple, beaucoup moins marquée en Russie que dans bien d’autres pays, mais celle qui existe à l’intérieur même de l’intelligentsia. Les uns regardent la télévision, d’autres lisent des livres, d’autres les écrivent, d’autres enfin s’écroulent dans leur lit tôt le soir, car il leur faudra se lever avec le ☀️. X n’ira pas voir une opérette, Y une pièce de Strindberg. Et Z ne s’intéressera ni à l’une ni à l’autre, il restera à la 🏡 pour composer sa propre pièce. Un autre ne saura même jamais qu’il existe un théâtre en ville. Tout cela est dans la nature des choses. Mais lorsque l’intelligentsia est foncièrement divisée, comme c’était le cas en Russie, l’espoir d’une culture spirituelle et d’un progrès intellectuel communs à tous et durables s’évanouit, faute de valeurs reconnues par l’ensemble de la nation.

Même aux 👁️‍🗨️ d’un marxiste français, Paul Valéry reste un grand écrivain. Le bourgeois américain le plus terre-à-terre considère le peintre abstrait Jackson Pollock comme un grand peintre, en dépit du degré d’abstraction de sa peinture. Sur la façade de la 🏡 où habitait Oscar Wilde, cinquante ans après sa mort, on a mis une plaque de marbre, on interdit et on évite tout à la fois les oeuvres de D H Lawrence, on subventionne les concerts de 🎶🎶 dodécaphonique, et c’est là l’oeuvre des bureaucrates anglais, américains, allemands. Ainsi, ce qui choquait les gens, il y a un quart de siècle, est reconnu progressivement par les classes moyennes, sur lesquelles s’appuie en même temps l’État. Voilà à quoi aboutit la lutte des intellectuels occidentaux contre l’esprit petit -bourgeois ! » Nina Berberova ( C’est moi qui souligne)