Le Spectre de la Mort

 »-. Pauvre je suis de ma jeunesse, de pauvre et de petite extraction, mon père n’eût jamais grande richesse, ni son aïeul, nommé Horace. Pauvreté nous suit et trace, sur les tombeaux de mes ancêtres, les âmes desquels Dieu embrasse, on n’y voit 👑 ni sceptres. De pauvreté me lamentant, quelquefois me dit le 🖤. -. Homme, ne te plains pas tant et ne fais pas éclater telle douleur. Si tu n’as tant que Jacques Cœur, mieux vaut vivre sous drap grossier, pauvre, qu’avoir été seigneur et pourrir sous riche tombeau -. Si je ne suis, je m’en rends bien compte, fils d’ange portant diadème d’🌟 ni d’autre astre, mon père est mort, Dieu en ait l’âme ! Pour ce qui est du corps, il gît sous la pierre tombale. Je comprends que ma mère mourra, elle le sait bien la pauvre femme, et le fils ne demeurera pas.

Je connais que pauvres et riches, sages et fous, prêtres et laïcs, nobles, vilains, larges et chiches, dames à relevés collets, de quelconque condition, portant atours et coiffures, mort saisit sans exception. Et meure Pâris ou Hélène, quiconque meurt meurt à douleur, telle qu’il perd souffle et haleine. Son fiel se crève sur son 🖤, puis sur Dieu sait quelle sueur, et n’est qui de ses maux l’allège, car enfant n’a ni frère ni sœur qui lors voulût être son garant. La mort le fait frémir, pâlir, le 👃 courber, les veines tendre, le col enfler, la chair mollir, jointures et nerfs croître et étendre. Corps féminin, tant est tendre, poli, doux, si précieux, te faudra-t-il ces maux attendre ? Oui, et tout vif aller aux cieux. » François Villon (Les Dames du temps jadis)

 »-. François Villon vit dans la misère, c’est un pauvre hère. Mais il est un spectre pire que l’indigence, et Villon reprend à son compte l’amère remarque que le poète grec prêtait à Achille dans l’Iliade. -. Mieux vaut être misérable, mieux vaut souffrir que mourir. Nous sommes tous égaux devant la mort -. Et, dans une sorte de danse macabre, d’un réalisme terrible, le poète fait défiler sous nos 👁️‍🗨️ tous ces vivants qui, demain, seront des cadavres. » Lagarde et Michard (Moyen-Âge collection littéraire)

Triptyque 40x90cm  »L’enfer de Dante  », galerie Chaos

Généalogie

 »-. J’ai toujours trouvé extraordinaire l’acharnement que mettent tant de personnes, parmi celles que l’on s’attendrait le moins à le voir faire, à reconstituer la lignée de leurs ancêtres. Lorsque j’étais encore bibliothécaire, j’ai connu un nombre considérable de gens, éminemment raisonnables, qui usaient leurs forces à retrouver la trace de leur famille. Mrs Greenwood, femme sensée s’il en fût et Londonienne de surcroît, chérissait cette relique pâlie par le temps, comme l’avait fait bien d’autres femmes avant elle. La 🏡 qui formait le fond du décor était Gad’s, ou sinon une construction tout à fait analogue. Devant la façade, six personnes étaient rassemblées. Une famille, apparemment, la mère, quatre filles et un garçon, ce dernier en costume écossais. D’après la toilette des jeunes femmes, la pose remontait aux alentours de 1840. -. Voici la femme que, de génération en génération, l’on nous a appris à considérer comme mon arrière -grand-mère-.

40x90cm  »La Familia Nova », collection privée, galerie xxlarge

-. Très intéressant -, dis-je poliment, car le cliché d’un jaune sale et trouble n’offrait aucun attrait. -. Et c’est bien Gad’s, n’est-ce pas ?-. Elle retourna la photo, et je pus lire, au dos, d’une écriture dont l’encre avait pâli autant que l’image. -. Juin 1849, Gad’s Glory, Premier prix, maman, Diana, Déborah, Caroline, Lavinia, George- . Je me livrai maladroitement, à un exercice de calcul mental, et conclus que le garçon en kilt devait être le grand-père de George Thorley… Compte tenu d’une entorse au temps écoulé, la photo aurait bien pu représenter le George actuel, enfant. On y trouvait une réelle ressemblance. N’eussent été cette ressemblance, et le fait que George Thorley n’avait pas d’héritier, j’aurais volontiers emprunté la photo. Un homme à qui son passé tenait tant à 🖤 y aurait trouvé un intérêt certain. Mais la blessure infligée aurait pu être sévère aussi… »Norah Lofts (Le mystère derrière la porte)

Bons baisers de Saint-Petersbourg

 »-. Ce soir-là, je sortis du cours dans la rue enenneigée. Tout était silencieux, sous l’arche et sur la place. Comme dans les écrits visionnaires de Gogol, de Dostoïevski et de Blok, Petersbourg ressemblait à un ⛵ pris dans les glaces au milieu d’une tempête de neige. On ne savait plus où finissait le trottoir et où commençait la chaussée. Je courais dans mes bottes de feutre molles, je tombais, puis me relevais. Au coin du boulevard se dressait la statue en stuc du bolchevik Volodatski. Une bombe l’avait à moitié démolie, et on l’avait recouverte d’une bâche déchirée que le vent fouettait de tous côtés. On aurait dit qu’elle gesticulait, menaçait, appelait et saluait.

40x40cm  »Bons baisers de Russie  », vendu, galerie Bons baisers de…

Je passai devant et traversai la place en diagonale. Pas une lumière, pas un bruit, seuls le hurlement du vent et des 👻 incertains flottant dans l’ombre crépusculaire et laiteuse de la 🌃 hivernale. Courbés sous le vent, ils disparaissaient, puis ressurgissaient et passaient en silence à côté de moi. -. Attention, c’est glissant par ici !-. Une 👥 apparut au milieu de la tempête, coiffée d’un bonnet pointu en loutre et emmitouflée dans une pelisse qui lui tombait presque jusqu’aux talons. -. Je vous attendais ici, et je suis transi. Allons nous réchauffer. Ça ne vous fait pas peur de marcher dans la 🌃 ?-. Je marchais à ses côtés, sa démarche était légère, il était plus grand que moi, et maigre. Il y avait en lui une sorte d’élégance naturelle, en dépit de ses vêtements empruntés. Pendant que nous buvions notre ☕, il m’assaillit de questions. -. Vous vivez avec vos parents, vous faites des études, êtes-vous amoureuse, avez-vous écrit de nouvelles poésies ?… Ecoutez-moi ça, quand on est une demoiselle de vingt ans…- » Nina Berberova (C’est moi qui souligne)

La moisson

 »-. Ah, la Grise, de ce jour ça ne va pas être du facile. Il y a de l’orage qui tourne. Il faut que ce soir on ait tout mis en gerbes au moins, sans ça …-. . Et il avait donné une petite tape sur la croupe de sa jument. Joseph n’avait pas fait un geste de plus, mais il savait qu’il aurait une dure journée. Il avait fini de traire, puis il avait retourné les litières. Ensuite, il avait sorti leur paire de 🐮, et l’avait attelée au grand char à foin, pour transporter les gerbes. Avec la Grise dans les brancards de la faucheuse, ça leur faisait deux attelages. La journée s’annonçait comme une sacrée besogne.

50x60cm  »Verte campagne  », galerie La meilleure façon d’habiter

Un champ à moissonner. Un autre à dégager de ses gerbes, pour venir les entasser derrière la ferme, sur l’aire à battre. Et puis, botteler les javelles. Et puis ratteler les éteules. Rien laisser perdre. Et puis faucher. Et puis botteler. Et puis charger… Toujours, toujours passer tous ces champs au peigne fin… Plus entretenus qu’une femme. C’est que, on ne le croirait pas, mais si on n’y prend pas garde, le bois gagne sur le champ, et ça devient inextricable en peu d’années. Il fallait travailler. Comme ça. Encore et encore… Un jour plein… Et après, et après… Jusqu’à ce que ce soit fini. C’était ça la moisson, alors. Une fatigue à rompre tous les muscles pour juste de quoi tenir jusqu’après, à la prochaine. Une survie. Mais sur des terres qui vous appartiennent sûrement. Après que vous y avez passé tant de peines… C’était juste après la guerre, les gens ne se plaignaient pas, ils avaient retrouvé la vérité des choses. » René de Maximy (La Ferme des Neuf Chemins)

C’était l’histoire d’un marais…

 »-. Vous avez peut être vu assécher un marais, ou une prairie trop humide. Il se passe là les mêmes phénomènes que ceux qui se produiraient si le climat devenait soudain plus sec. L’assèchement fait disparaitre tout d’abord les joncs, les nénuphars, les renoncules d’eau et toutes les plantes aquatiques ou de bas-fond humide. Avec elles, d’ailleurs, les 🐸, les couleuvres qui s’en nourrissent, les moustiques et tous les animaux du milieu aquatique disparaissent. Tout cet ensemble de plantes et de bêtes, ce milieu naturel en équilibre, va se trouver remplacé par un autre. À sa place, des herbes de prairie vont se développer et prospérer. D’autres insectes, des sauterelles, des grillons, viendront s’y abriter. Des troupeaux pourront y pâturer. Nouveau milieu, nouvel équilibre… jusqu’au jour où, par nécessité ou goût du lucre, l’usager de ces prairies les chargera trop en gros bétail.

40x30cm  » La cascade multicolore », galerie Les clins d’œil de dame nature

Le tapis de graminées et de petites légumineuses, trop pâturé, s’appauvrira, les herbes se feront moins hautes, les légumineuses disparaîtront, et le sol commencera par plaques à se dénuder. Dès lors, les mauvaises herbes pulluleront, le bétail ne les mangera pas et elles auront tout le loisir de se reproduire. Et de prendre progressivement la place des bonnes herbes constamment pâturées et, de fait, affaiblies. Finalement, la pâture sera épuisée, il n’y viendra plus de bêtes. Et cette parcelle redeviendra une friche incapable de nourrir quoi que ce soit d’utile à l’homme. Sauf, de loin en loin, des 🐑. Un nouvel équilibre sera né. Eh bien, cette histoire de marais, devenu prairie puis friche à l’abandon, pourrait servir d’exemple à toutes les emprises de l’homme sur la nature. » Connaissance et conservation de la nature

La galère du comte de Jaffa

 »-. À notre ✋ gauche aborda le comte de Jaffa, cousin germain du comte de Montbéliard, du lignage de Joinville. Ce fut lui qui aborda le plus noblement, car sa galère qui prit terre était toute peinte, sous l’eau et au-dessus, d’écussons à ses armoiries, qui sont d’Or, à une croix rouge pattée. Il y avait bien trois cents rameurs dans sa galère, et, pour chacun des rameurs, il y avait un bouclier à ses armoiries, et chaque bouclier portait un étendard doré à ses armes. Pendant qu’ils approchaient, on eût dit que la galère volait, tant l’équipage faisait force de rame, et que la foudre tombait des cieux, au bruit que faisaient les pennons et les timbales, les 🥁 et les cors qui étaient dans la galère…

50x50cm  » Fluctuat nec mergitur’

… . Il en vint bien trente Sarrazins à notre galère, l’épée nue à la ✋, et, au cou la hache. Je demandai à Monseigneur Beaudouin ce que ces gens disaient. Il me répondit qu’ils disaient qu’ils venaient nous trancher la tête. Il y avait une foule des nôtres qui se confessaient à un frère de la congrégation de la Trinité, qui avait pour nom Jean. Mais, pour mon compte, jamais je ne pus me souvenir d’un péché que j’eusse fait. Mais je m’avisai que, plus je me défendrais et esquiverais, et pis ce serait. » Jean, Sire de Joinville ( La vie de Saint Louis) Finalement, les Sarrazins se ravisent, et les Croisés, du moins la plupart d’entre eux, ont la vie sauve. Ouf !

Chic alors ! Y a plein d’ trouvailles, dans ce carton !

À l’invitation de l’une de mes anciennes élèves, qui quitta L’Atelier faute de persévérance et de motivation, je pris possession d’un carton empli jusqu’à ras bord de toiles semi-utilisées, ou tout du moins mal utilisées. Une aubaine, pour une créative barbouilleuse et… invétérée recycleuse. Voyons, voyons, mettons le nez dans le carton. Petite déception, les toiles sont de petites dimensions, c’est normal, mon élève n’a jamais dépassé le stade de l’étude. Jusque-là, tout va bien.🤪

40x30cm  ». La 🏡 des 🦋 », galerie La meilleure façon d’habiter
30x40cm  »La magicienne aux 🦋 », galerie Femmes, Femmes, Femmes

Seconde étape, l’inspection, certaines toiles, très lourdes, trop lourdes révèlent un traitement curieux de leur support, sans doute un enduit destiné à masquer de trop nombreuses erreurs. On peut gratter, ce que fis… mais attention à ne pas trouer, ce que je fis également… rien d’irréparable, jusque là. Que faire de ces dons ? Les repeindre d’un fond uniforme, mais toutefois coloré, ce n’est pas une bonne idée que de penser qu’un fond neutre masquerait les irrégularités. Au contraire, mieux vaut insister, jouter l’audace d’une couleur forte, voire criarde, qui en soulignera les vieilles blessures. J’ai l’intention de combiner trois de ces toiles en un triptyque. -. Encore un, dis, Christine ?- Certes, et sais-tu pourquoi ?- C’est la seule solution pour obtenir un grand 🖼️, que je vais exploiter en position portrait. Justement, j’ai de envies de 🦋 dans tous leurs états… J’ai, pour l’affaire en question, utilisé les toiles les moins abîmées… Et surtout essayé d’ajuster les dimensions. Jusque-là, tout va bien.🤪 Il m’a suffi, pour masquer les menues différences d’épaisseur portant sur quelques millimètres, d’agrafer un morceau de dentelle sur le pourtour. Et, puisque j’avais l’agrafeuse en ✋, d’ajouter quelques 🦋 supplémentaires, retrouvés dans l’un des trop nombreux tiroirs à mercerie.

40x30cm  »Le Fol 🦋 », galerie Bestiaire

Mon conseil. Ce que recèle ce carton, c’est l’usage que l’on en fera. Inutile d’en attendre du sur-mesure, du policé voire du neuf. Où serait l’intérêt de la rencontre, de la découverte ? Mon carton, ce nouvel ami, est riche d’un vécu, de tentatives et de tentations de peinture … Même si l’affaire ne fut pas concluante, au final, car mon ancienne élève ne persista pas dans ses efforts picturaux, il est la preuve que rien ne se perd… surtout pas mes efforts pédagogiques en faveur de l’enseignement artistique ! Na ! Jusque là, tout va bien. 😄 Post scriptum. Vous l’aviez compris, ouvrir le carton, ce fut comme ouvrir la boîte de Pandore… Il me reste encore plein de projets à exploiter.

Triptyque 90x40cm  »Au pays des 🦋 », galerie xxlarge

La vertu d’une fille

 »-. Qu’elle se fasse attendre encore un quart d’heure, et je m’en vais. Il fait un froid de tous les 😈 !-. Patience, Altesse, patience-. Elle devait sortir de chez sa mère à minuit, il est minuit, et elle ne vient pourtant pas-. Si elle ne vient pas, dîtes que je suis un sot, et que la mère est une honnête femme -. Entrailles du pape, avec tout cela je suis volé d’un millier de ducats-. Nous n’avons avancé que moitié. Je réponds de la petite. Deux grands 👁️‍🗨️ languissants, cela ne trompe pas. Quoi de plus curieux pour le connaisseur que la débauche à la mamelle ? Voir dans une enfant de quinze ans la rouée à venir, étudier, ensemencer paternellement le filon mystérieux du vice dans un conseil d’ami, dans une caresse au menton. Tout dire et ne rien dire, selon le caractère des parents, habituer doucement l’imagination qui se développe à donner corps à ses 👻, à toucher ce qui l’effraie, à mépriser ce qui la protège !

Projet Picassez-vous la tête

Cela va plus vite qu’on ne pense, le vrai mérite est de frapper juste. Et quel trésor que celle-ci ! Tout ce qui peut faire passer une 🌃 délicieuse à votre Altesse. Tant de pudeur ! Une jeune 🐱 qui veut bien des confitures, mais qui ne veut pas se salir la patte. Proprette comme une Flamande ! La médiocrité bourgeoise en personne. D’ailleurs, fille de bonnes gens, à qui leur peu de fortune n’a pas permis une éducation solide. Point de fond dans les principes, rien qu’un léger vernis. Mais quel flot violent d’un fleuve magnifique sous cette couche de glace fragile qui craque à chaque pas ! Jamais arbuste en fleurs n’a promis de fruits plus rares, jamais je n’ai humé dans une atmosphère enfantine plus exquise odeur de courtisanerie-. Sacrebleu, je ne vois pas le signal-. Allons au pavillon, Monseigneur, puisqu’il ne s’agit que d’emporter une fille qui est à moitié payée, nous pouvons bien taper aux carreaux -. » Alfred de Musset (Lorenzaccio)

Teuf ! Teuf ! Fermez les portières !

attention au départprenez place à bord du petit train ! Mesdames et messieurs les voyageurs, en partance pour…. La Rhune ! »-. Du haut de ses 900 mètres de hauteur, la Rhune n’est pas la plus haute montagne des Pyrénées. Mais, au pays basque, c’est un véritable symbole. Au bord des chemins, tumuli et dolmen attestent la fréquentation du site dès la préhistoire. Alentour, la région est sauvage, gardée par les vautours fauves qui patrouillent dans les airs. Le mont a fait courir nombre de légendes sur son compte. On croyait que des sorcières basques s’y réunissaient pour le sabbat. C’est l’impératrice Eugénie qui a lancé la mode des excursions à la Rhune, alors qu’elle séjournait à Biarritz.

40x40cm  »Le petit train jaune  »

Aujourd’hui, de nombreux promeneurs gagnent le col de Saint -Ignace, entre les villages typiques d’Ascain et de Sare. Là, un petit train à crémaillère, construit au début du vingtième siècle, vous emmène dans ses wagons de bois, jusqu’au sommet mythique. Une demi-heure d’ascension… largement de quoi admirer le paysage. Au fil de la montée, 🐑 et pottocks, ces 🐎 élevés en semi-liberté dans les montagnes, vous accompagneront. Là -haut, les sept provinces basques s’étendent à vos pieds. Derrière, les plus hautes cimes des Pyrénées se profilent… » Cent Une Idées de visites en France

Les mouettes du port de La Rochelle

 »-. Adorables mouettes du vieux port de La Rochelle, vous m’avez sauvé de l’ennui de contempler des pierres qui, pour avoir été trop souvent admirées, ont perdu leur âme. Ma pensée était vide au matin, devant ce port que je découvrais par la fenêtre de ma chambre d’hôtel. D’avoir été trop photographiées, les vieilles pierres avaient perdu tout éclat comme une bête sauvage, dans la domestication, perd le lustre de son pelage. Seul leur 👻 pouvait encore briller sur la surface pelliculée des cartes postales, avec, en médaillon, le portrait de Richelieu, vêtu de rouge et semblable à une 🍓 hors saison, rutilante et sans saveur. Je m’apprêtais à repartir quand, sur la jetée, près de ma voiture, je vous ai vues et entendues.

40x40cm  »Bons baisers de La Rochelle  »

Vous vous disputiez quelques graines éparpillées sur le pavé. Vos cris ressemblaient à ceux de bébés et de porcelets. Certaines d’entre vous, les yeux cernés du même noir velours que le bec, semblaient porter des 🎭 de Mardi Gras. Nous sommes restés à vous regarder pendant de longues minutes. Vous ne nous craigniez pas. Vous poursuiviez vos recherches de nourriture à un mètre de nous, nous offrant vos cris invraisemblables et la maladresse un peu fière de vos pas sur la terre. Je pensais quitter La Rochelle en emportant l’image d’une citadelle enfermée dans l’ Histoire comme un ⛵ miniature dans une bouteille. J’en suis reparti avec vos cris et votre confiance en la vie qui nourrit ses enfants. La voiture roulait, la ville s’eloignait dans le rétroviseur, redevenant un nom sur une carte, et j’entendais toujours dans mon 💜 le carnaval de vos âmes vivantes. » Christian Bobin (Ressusciter)